Illustrer sa cérémonie laïque : Vers à danser

Lecture pour une cérémonie laïque : demandez à Aragon

Le fou d’Elsa, c’est lui. Il en est l’auteur et il est cet homme, fou de cette femme !

Si vous cherchez une lecture pour votre cérémonie laïque, vous pouvez emprunter les mots d’Aragon. Ce poème peut tout à fait être lu par un.e de vos proches, mais il se prête également aux vœux. Imaginez lire ces mots juste avant d’échanger vos alliances et dites-moi. Convaincu.e.s ?

Que ce soit dimanche ou lundi
Soir ou matin minuit midi
Dans l’enfer ou le paradis
Les amours aux amours ressemblent
C’était hier que je t’ai dit
Nous dormirons ensemble

C’était hier et c’est demain
Je n’ai plus que toi de chemin
J’ai mis mon cœur entre tes mains
Avec le tien comme il va l’amble
Tout ce qu’il a de temps humain
Nous dormirons ensemble

Mon amour ce qui fut sera
Le ciel est sur nous comme un drap
J’ai refermé sur toi mes bras
Et tant je t’aime que j’en tremble
Aussi longtemps que tu voudras
Nous dormirons ensemble.

Louis Aragon, Vers à danser, Le fou d’Elsa

Illustrer une cérémonie laïque

Lectures pour une cérémonie laïque, et si on allait du côté des livres pour enfants ?

Illustrer une cérémonie laïque

« Toutes les grandes personnes ont d’abord été des enfants, mais peu d’entre elles s’en souviennent. » nous disait Antoine de Saint Exupéry dans Le petit prince. C’est souvent vrai, et pourtant quand on rappelle cette vérité aux grandes personnes, le souvenir resurgit et elles sont à nouveau prêtes à être des enfants.

Etre un enfant, ça veut dire beaucoup de choses, mais c’est notamment observer sans juger et se poser des questions sur ce qui est normal pour les grandes personnes. C’est remettre en cause, le « c’est comme ça ! », les choses peuvent toujours s’expliquer et oui, parfois, elles s’expliquent avec des mots simples alors que les grandes personnes les ont enrobées dans un mot abstrait.

Je suis une grande fan de livres pour enfants. Si je lis, relis, offre et recommande Le vieux qui lisait des romans d’amour de Sepulveda – un livre pour grandes personnes – je vénère L’histoire de la mouette et du chat qui lui apprit à voler du même auteur. C’est un livre pour enfants, mais pas que. Allez voir, vous m’en direz des nouvelles !

Et ce qui est génial dans les livres pour enfants, c’est qu’ils s’adressent aussi aux grandes personnes et qu’on peut vraiment s’en inspirer et y piocher des idées de lecture pour une cérémonie laïque. Mes mariés de Bruxelles – qui ne sont pas à une très bonne idée près – m’ont fait découvrir Le lapin de velours de Margery Williams. Une des questions qui occupent ce lapin en peluche c’est « qu’est-ce que ça veut dire être réel » ? Et si ça voulait dire être aimé pour de vrai même si, parfois, ça fait mal ?
Est-ce que cette idée ne fait pas sens avec cet engagement que vous prenez pour le meilleur et pour le pire ? Cet engagement de rendre l’autre réel ?

Vous pouvez aussi facilement allez rendre visite au Petit prince. Que ce soit la définition d’être « apprivoisé » et la sublime leçon du renard, ou le lien du Petit prince à sa rose : « Les hommes de chez toi, dit le petit prince, cultivent cinq mille roses dans un même jardin… et ils n’y trouvent pas ce qu’ils cherchent… – … Et cependant ce qu’ils cherchent pourrait être trouvé dans une seule rose (…) »

Et vous quel est le livre pour enfants qui vous fait oublier d’être une grande personne ? Avez-vous utilisé des passages de livres pour enfants pour votre cérémonie laïque ?

Amour et nourriture

Aujourd’hui, la revue de littérature se penche sur « deux passions dévorantes », l’amour et la nourriture ! Pendant mes balades à la bibliothèque, le livre de Willy Pasini m’a sauté aux yeux. Et je n’ai pas été déçue !

Nourriture et amour

L’étude date un peu (1994) mais les thèmes sont universels. Je me suis surtout penchée sur la première partie qui aborde justement les liens récurrents entre amour et nourriture dans la culture et la vie des hommes depuis la nuit des temps.

Au moins deux points communs lient la nourriture et l’amour :

  • Tous deux s’inscrivent dans un ensemble de règles sociales, on apprend l’art d’aimer et on apprend celui de manger. D’ailleurs, le premier espace d’apprentissage de ces deux notions est la famille. On fête les anniversaires avec des gâteaux, on fait des bons repas pour fêter une bonne nouvelle ou pour consoler d’une mauvaise.
  • L’amour et la nourriture ont été aussi bien glorifiés que réprimés. Souvent l’oppression de l’un des concepts coïncidaient avec celle de l’autre. Qu’on pense à la gourmandise posée comme un péché capital autant que la luxure dans le christianisme ou à la pensée grecque qui associait la gourmandise à la volupté de l’amour, la satisfaction de ces deux penchants bloquant l’atteinte de la vertu suprême.

Et pour Pasini, le point commun le plus structurant est qu’on attend de ces deux choses bien plus que la satisfaction d’un besoin primaire. Nourriture et amour nous aident « à transmettre nos sentiments, les bons comme les mauvais ». Il fait ainsi un parallèle entre les repas et la sexualité de ceux qui s’aiment en opposition aux repas et à la sexualité de ceux qui ne s’aiment pas. Que ce soit dans la nourriture comme dans la sexualité, quand on aime on se donne « le plaisir de faire plaisir, (cet) aphrodisiaque inconnu » de ceux qui ne s’engagent pas dans l’amour. Au contraire, quand on ne s’aime pas, la nourriture et la sexualité peuvent être des moyens de punir l’autre, en ne donnant rien ou en donnant mal.

Les liens entre nourriture et amour se retrouvent aussi beaucoup dans le vocabulaire. On part en lune de miel, on caresse une peau de pêche, on a des joues à croquer, on se dévore du regard’. D’ailleurs, quelqu’un de gourmand séduit plus qu’un autre. C’est une des conclusions de l’étude présentée dans la deuxième partie du livre. Pasini écrit ainsi : « la bonne chère attire encore beaucoup de gens, sans doute tous ceux qui n’ont pas perdu le goût de prendre le temps de faire la cour : les gourmets de la vie le sont autant devant une nappe que sous les draps. Pour eux l’érotisme est à la sexualité ce que la gastronomie est à la cuisine ».

Willy Pasini, Nourriture et amour, deux passions dévorantes, Petite bibliothèque Payot, 1994

C’est quoi le couple ?

Au cours de mes recherches sur l’histoire du couple et du mariage, je suis tombée sur cette émission de La première que je vous invite à découvrir. C’est un format court (25 min) et c’est vraiment intéressant !

Au-delà de Woodkid en BO – premier bon point ! – j’ai écouté avec attention l’invité du jour : Jean-Claude Bologne, un chercheur spécialisé dans l’histoire du couple (et par extension du mariage, du célibat et des mœurs en général).

Histoire du couple mariage

Bologne se refuse à donner une définition unique du couple au-delà du fait que c’est une entité qui réunit deux personnes. Les couples ne vivent pas forcément ensemble, et ne sont pas forcément sexualisés. Il évoque, par exemple, les couples d’amis ; les couples de patineurs également. Concernant le couple amoureux, il rejoint Jean-Claude Kaufman (autre spécialiste du sujet) pour esquisser une idée du moment où l’on peut se définir en couple : celui où on lave son linge ensemble. Et oui, c’est une des étapes où on fait entrer l’autre dans son intimité 🙂

Je vous laisse écouter l’intégralité de l’émission, mais j’ai bien aimé le positionnement de Bologne car il sépare le couple du mariage et prend le sujet à revers. Il explique que les formes de couple hors mariage, comme le concubinage ou l’amour courtois par exemple, ont longtemps été considérées comme des exceptions par rapport au mariage, érigé en valeur étalon. Mais le couple est multiple dans ses acceptions. Si le mariage a longtemps été considéré comme la norme ou la finalité du couple, Bologne signale qu’il est seulement une forme du couple, pas l’inverse !

Tout ça m’a donné envie d’en savoir plus sur le sujet, je vais donc très prochainement me plonger dans le livre dont Jean-Claude Bologne parlait pendant l’émission : Histoire du couple chez Perrin. Revue de littérature à suivre !

Petit voyage philosophique autour du bonheur


Du bonheur, Frédéric LenoirJe partage avec vous ma lecture, en cours, de l’ouvrage Du bonheur. Je me régale avec ce livre de Frédéric Lenoir, qui au-delà de mon plaisir à toujours approfondir le concept philosophique de bonheur, me fournit quelques passages pour le catalogue que je suis en train de construire avec des textes à suggérer aux marié-e-s.

Frédéric Lenoir multiplie les casquettes : journaliste, romancier, philosophe et sociologue, il écrit majoritairement sur l’histoire des religions et sur la vie intérieure. Il a un vrai talent de pédagogie pour rendre les sujets faciles d’accès. Il multiplie les exemples de la vie courante pour illustrer des concepts philosophiques et ça fait un bien fou. Et je dois reconnaître, qu’il va aussi régulièrement explorer les idées d’auteurs qui comptent pour moi : Épicure, Sénèque, Rousseau entre autres.

Laissez-moi aujourd’hui vous faire découvrir un extrait de son chapitre 3 « Donner du sens à la vie » :

« Etre heureux c’est apprendre à choisir. Non seulement les plaisirs appropriés (il parlait d’Épicure dans le chapitre précédent), mais aussi sa voie, son métier, sa manière de vivre et d’aimer. Choisir ses loisirs, ses amis, les valeurs sur lesquelles fonder sa vie. Bien vivre, c’est apprendre à ne pas répondre à toutes les sollicitations, à hiérarchiser ses priorités. L’exercice de la raison permet une mise en cohérence de notre vie en fonction des valeurs et des buts que nous poursuivons. Nous choisissons de satisfaire tel ou tel plaisir ou de renoncer à tel autre parce que nous donnons un sens à notre vie – et ce, aux deux acceptions du terme : nous lui donnons à la fois une direction et une signification. (…) Les contenus du « sens » peuvent varier d’un individu à l’autre, mais quoi qu’il en soit, nous faisons tous le constat qu’il est nécessaire, pour construire sa vie, de l’orienter, de lui assigner un but, une direction, de lui donner une signification. (…)
Qu’on atteigne ou non ses buts n’est d’ailleurs pas l’essentiel. Nous n’allons pas attendre d’avoir atteint tous nos objectifs pour commencer à être heureux. La voie compte plus que le but : le bonheur vient en cheminant. »

CQFD !
J’y retourne et je vous invite grandement à vous plonger aussi dans le bonheur !

Frédéric Lenoir, Du bonheur, Le livre de poche, Fayard, 2013

Quand François Morel envisage la fin du monde

Il est une chose que je ne vous ai pas encore avouée, c’est mon amour inconditionnel pour François Morel. Mon amour pour ses mots, pour son talent d’acteur, pour son humour si teinté de poésie !

Je pourrais vous parler de lui pendant des heures, et je vous reparlerai de lui soyez-en sûr-e-s 🙂 Ne serait-ce que pour vous décrire ce bijou qu’est le spectacle Hyacinthe et Rose !

Ce soir, c’est La fin du monde est pour dimanche qui m’occupe. Le principe? La vie c’est comme une semaine, quand on naît, on est lundi et quand on disparaît c’est qu’on était déjà dimanche. La question que se pose alors François Morel est la suivante : « Si la fin du monde est pour dimanche, à quel jour finit l’enfance, à quel jour commence l’âge adulte ? » et où en sommes-nous de notre propre semaine?

Cela peut paraître absurde ou seulement drôle, mais à bien y réfléchir il y a tant de sens à envisager la vie comme une semaine. Est-ce que nous situons tous le mercredi au même moment ? Sur quel jour de cette semaine qu’est la vie, souhaiterions-nous mettre pause ou au contraire avance rapide ? Est-ce qu’on est triste quand arrive le dimanche, ou est-ce qu’on l’envisage comme un nouveau lundi ?

Vous voyez, c’est ça que j’aime chez cet auteur, au début il nous fait sourire, puis vient toujours le moment où se demande s’il n’aurait pas raison. A la fin, on a l’impression d’avoir élargi notre horizon de pensée et on se plaît à reprendre ses mots ou ses idées.

Mais La fin du monde est pour dimanche, ce n’est pas seulement une réflexion sur le cours de la semaine-vie, c’est aussi toute une pensée de ce qu’est la vie. A travers le procès du bonheur ou l’histoire d’un amour si fort avec une huître (et oui !), ou encore la vie de Janine si semblable à celle de Sheila, mais ce sont aussi les confessions d’un comédien, un échange de regards dans le métro ou une chanson qui vous trotte dans la tête.

Cette liste est non exhaustive, elle ne tend qu’à vous donner envie de le voir et de le lire ! Allez-y et dites-moi ! J’espère que vous serez aussi séduit-e-s que moi 🙂

François Morel, La fin du monde est pour dimanche, Les solitaires intempestifs, 2013

Origines de l’amour : le mythe des androgynes

Discours sur l’amour

Parlons aujourd’hui de mythes sur l’origine de l’amour et commençons par un classique: le mythe des androgynes.

Ce mythe est tiré du Banquet de Platon, texte qui regorge d’autres odes à l’amour et à ses origines. Mais faisons ici une halte sur le mythe raconté par Aristophane. Pour vous situer rapidement le contexte, Le banquet retrace les échanges partagés lors d’une soirée réunissant plusieurs hommes : médecin, poète, aspirant politique, philosophe, etc. Tous, fatigués de leur soirée de la veille, décident de pas s’enivrer ce soir-là mais de prononcer chacun leur tour un discours portant sur l’amour.

mythe des androgynes

Quelle origine pour l’amour ? 

C’est donc Aristophane, le poète, qui raconte le mythe des androgynes. A l’origine, selon lui, les humains ne ressemblaient pas à ceux que nous connaissons aujourd’hui. Ils avaient l’apparence d’une boule et possédaient quatre jambes, quatre bras, deux têtes, etc. Pour se déplacer ils avançaient de concert, ou alors faisaient comme une roue devenant ainsi très rapides. Chaque individu était composé de deux éléments, tous deux masculins, féminins, ou d’un élément masculin et d’un élément féminin. Ce sont ces derniers qu’on appelait les androgynes.

La constitution des êtres humains leur conférait une vigueur et une force incroyables. Très orgueilleux, ils défièrent les dieux et tentèrent d’accéder à l’Olympe. Les dieux étaient très en colère mais ils ne voulurent pas exterminer les hommes : cela aurait été se priver des honneurs et des dons offerts dans le cadre du culte. Les dieux décidèrent donc d’affaiblir les hommes en les coupant en deux, par le milieu. C’est depuis cette punition que nous avons l’apparence que nous connaissons tous. La coupure imposée par les dieux provoqua de grandes douleurs et, «chaque morceau (de l’être humain), regrettant sa moitié tentait de s’unir à elle. Et, passant, leurs bras autour de l’autre, ils s’enlaçaient mutuellement, parce qu’ils désiraient se confondre en un même être».

C’est de cette coupure originelle que date la naissance de l’amour dans le cœur des humains, car depuis chacun cherche sans cesse sa moitié complémentaire. C’est ce qui explique aussi les préférences sexuelles, un homme faisant partie d’un individu androgyne préférera les femmes, un homme faisant partie d’un individu masculin se tournera vers les hommes, de même une femme issue d’un individu féminin trouvera sa moitié complémentaire en une autre femme.

L’amour comme une nature retrouvée

Ainsi «chaque fois que le hasard met sur le chemin de chacun la partie qui est la moitié de lui-même, tout être humain (…) est alors frappé par un extraordinaire sentiment d’affection, d’apparentement et d’amour ; l’un et l’autre refusent (…) d’être séparés, ne fut-ce que pour un peu de temps». Aristophane ne doute pas du choix que feraient les couples si on leur proposait de les fondre ensemble afin qu’ils vivent «l’un avec l’autre une vie en commun comme s’(ils n’étaient) qu’un seul être». Ce choix n’étant pas possible techniquement, la source du bonheur conclut Aristophane est dans le retour à notre nature ancienne : en trouvant l’aimé(e) qui corresponde à sa moitié complémentaire.

Et si finalement votre mariage ou votre pacs étaient la révélation de votre nature originelle ? Un peu comme si, l’acte d’engagement pris devant la loi et les proches, venait reconnaître un état originellement présent. Je ne vous cache pas que cette lecture est un peu remise en cause par Lacan, mais accordons-nous un peu de romantisme. On reviendra plus tard à la déconstruction de ce mythe dans Le transfert. 

Et vous qu’en pensez-vous ?

Platon, Le banquet, GF Flammarion, 2007

Du contrat de cohabitation au mariage : l’exemple suédois

Vivre ensemble, s’aimer, se protéger

© Hannah Busing

Au fil de mes lectures, je cherche à mieux comprendre ce qu’est le mariage, ce qu’il représente et comment il est appréhendé. Je voudrais donc m’arrêter aujourd’hui sur un article croisé dans Mariages et homosexualités dans le monde, dirigé par un collectif de chercheurs en sciences humaines.

Il y a une mine d’informations et de thèses intéressantes dans ce livre alors il est possible que je vous en reparle. Aujourd’hui je m’arrêterai cependant sur l’article consacré au concept d’égalité dans les pays scandinaves. Et je me concentrerai plus précisément sur l’exemple suédois. Bon en vrai, j’aime bien l’exemple suédois sur de nombreux sujets 🙂

Quel rapport avec le mariage me direz-vous ? Et bien justement ! L’ouverture du droit au mariage pour les couples homosexuels est le résultat d’un cheminement qui s’interroge perpétuellement sur l’égalité entre les individus. C’est ce qui fait qu’aujourd’hui la sexualité – au sens d’orientation sexuelle – est décorrélée de la question du droit au mariage.

Mariage et égalité

Le mariage est ouvert aux individus et leur assure une série de droits peu importe leur sexualité. Mieux même, le sujet n’est pas de considérer que la sexualité des individus n’importe pas. On considère plutôt que cette donnée fait partie de la sphère privée. Elle n’est donc pas différenciante d’un point de vue légal.

Dès le début des années 80, le gouvernement suédois a travaillé à la fois sur la place des homosexuels dans la société et sur une réforme du mariage. Ces deux réflexions répondent au principe d’égalité évoqué ci-dessus. L’interrogation porte à la fois sur l’importance de considérer l’homosexualité à égalité avec l’hétérosexualité (pas de différence entre les individus, quelle que soit leur vie privée) et sur la création d’une protection légale égale entre les couples non mariés et mariés.

© Madalena Devoso

Les réflexions ont commencé dès 1984, oui 1984 ! Au risque de paraître insistante, ça veut dire qu’en Suède on se posait la question de l’égalité entre homosexualité et hétérosexualité presque 30 ans avant que certains manifestent en France pour dire que la famille c’est un papa et une maman et que le pacs ça suffit bien pour les couples homo, etc. etc. C’est une des raisons, pour lesquelles j’aime bien les exemples suédois, ils ont très souvent une grande longueur d’avance !

De l’association domestique au partenariat enregistré

Bon je reprends. Au terme du débat parlementaire, deux lois de cohabitations ont été votées en 1987. Elles accordaient des droits et une protection aux couples cohabitants non mariés. Une loi concernait spécifiquement les couples homo, l’autre les couples hétéro. Il y avait donc une avancée avec une reconnaissance d’une « association domestique » pour les couples vivant ensemble mais le simple fait qu’il y ait deux lois était un facteur de discrimination. Il a d’ailleurs rapidement été remis en cause (dès 1994) et les deux lois ont été fusionnées en 2003.

2003, ça fait tard ! Mais, c’est aussi parce que dès 1994, un pas supplémentaire a été fait, avec le « partenariat enregistré ». Ce contrat accorde aux couples non mariés (hétéro et homo) une série de droits et devoirs très proches de ceux des couples mariés. Là encore, ils sont trop forts ces Suédois ! Je m’explique. Dès 1994, une loi a permis aux couples qui ne pouvaient pas se marier et aux couples qui ne voulaient pas se marier de s’inscrire dans un cadre légal. Certes, sur ce point, c’est seulement 5 ans d’avance sur la France, en même temps le « partenariat enregistré » c’est bien plus que le PACS. De fait, la série d’amendements autour de ce contrat a conduit à en faire un équivalent du mariage nous explique Marie Digoix dans l’article.

L’ouverture du droit au mariage aux couples homosexuels date, elle, de 2009, et les couples homo peuvent adopter depuis 2002.

En Suède, le cadre légal de la conjugalité et de la parentalité est donc pleinement égalitaire. Sur ces questions, tous les individus sont égaux. Il n’y en a pas de plus égaux que les autres pour reprendre la formule d’Orwell. Et moi je trouve ça super, simplement, et je voulais partager mon enthousiasme avec vous.

Marie Digoix, « Scandinavie. Le concept nordique d’égalité entre différenciation et universalisme », dans V. Descoutures, M. Digoix, E. Fassin, W. Rault (dir.), Mariages et homosexualités dans le monde, L’arrangement des normes familiales, Les éditions autrement, 2008

Alain Badiou, Éloge de l’amour

C’est quoi l’amour ?

Des ennemis à l’amour ?

éloge de l'amourL’expérience de l’amour est une construction de vérité. Oui tout simplement ! En tout cas, c’est la thèse qu’Alain Badiou soutient dans son Éloge de l’amour. Répondant aux questions de Nicolas Truong, il développe son idée pour redonner ses lettres de noblesse à l’amour.

Selon lui, l’amour est menacé par deux ennemis : la sécurité et le confort. Ces ennemis sont notamment représentés sur les sites de rencontres qui, pour lui, reprennent les éléments d’un mariage arrangé. Cette fois ce ne sont plus les familles qui posent les règles cherchant le profit financier ou social d’une union, mais le principe est le même : on ne laisse pas de place au hasard ni au risque en connaissant beaucoup de choses de la personne avant même de la rencontrer. C’est la position d’Alain Badiou et on peut la remettre en cause mais continuons.

Une définition de l’amour ?

Le vrai intérêt de Badiou est de proposer une définition de l’amour comme une expérience universelle et pourtant très concrète. Certes, l’amour est universel car on ne compte pas les exemples d’êtres amoureux, mais ici c’est plus que ça. La portée universelle de l’amour est présente en ceci que l’amour permet d’expérimenter le monde du point de vue de la différence et non de l’identité. L’amour part toujours d’une séparation, car il est la rencontre de deux personnes différentes, dotées de subjectivités différentes. En cela, « l’amour ça traite d’abord d’un Deux ». Mais d’un Deux qui se rencontre. Et c’est seulement à partir de cet événement contingent et hasardeux que s’enclenche le processus qu’est l’amour, au sens d’expérience du monde du point de vue de la différence.

Alain Badiou défend l’amour au-delà de la rencontre romanesque, au-delà du « ils vécurent heureux et eurent beaucoup d’enfants ». Pour lui, l’amour est justement ce qui arrive après le mot « fin » des contes. L’amour, c’est cette construction, cette « aventure obstinée » parfois difficile, parfois proche du miracle qui s’inscrit dans la durée. On pourrait presque reprendre ses mots pour revenir sur son avis sur les sites de rencontres : passée la rencontre, événement contingent à un site de rencontre, un groupe d’ami, une attente à la boulangerie, tout couple fait l’expérience de l’amour dans la durée. Quel qu’ait été le vecteur de la rencontre, l’expérience du monde via le Deux est toujours présente et la construction de cette expérience s’inscrit dans le temps et dans un effort constant pour continuer à examiner le monde du point de vue de la différence et non de l’identité.

Ainsi, « le vrai sujet de l’amour est le devenir du couple et non la satisfaction des individus qui le composent ».

Alain Badiou, Nicolas Truong, Éloge de l’amour, Flammarion, 2009

On ne se marie jamais seulement à deux…

Le regard éloigné : mariage et familles

couple conjugale

Je suis profondément convaincue qu’on ne se marie jamais seulement à deux. D’ailleurs, je crée très peu de cérémonies où seul le couple prend la parole. Pour moi c’est plus large. Je reprendrais volontiers le mot de Claude Levi-Strauss dans son livre Le regard éloigné. Il utilise l’expression de « famille conjugale », et vous allez voir elle recouvre tous les sens qu’on peut y attacher.

La famille conjugale ?

Dans le chapitre 3, l’ethnologue s’interroge sur le mariage et essaie de trouver un point commun à toutes les formes de couples et de familles observées dans le monde. Il nie assez rapidement l’idée d’une universalité du mariage et du couple monogamique, en invoquant l’existence même de nombreux contre-exemples. Néanmoins, il reconnaît qu’aussi loin qu’on puisse remonter depuis l’écriture et Hérodote, la « famille conjugale » est assez fréquente.

Dans chacune de ses formes, on identifie l’origine de cette « famille conjugale » dans le mariage. La famille inclut à l’origine un couple, qui s’organise autour des enfants. Les membres de la famille sont unis par des liens, des droits et des obligations (dictés par le droit, l’économie, la religion ou d’autres institutions). On identifie également un ensemble variable de sentiments qui créent le lien au sein de la famille conjugale (amour, crainte, respect, affection, etc.).

famille conjugale
© Cheryl Winn Boujnida

Ce qui dépasse ces quelques points communs, c’est que parmi toutes les sociétés étudiées, le couple à l’origine de la « famille conjugale » est lui aussi issu de familles. Logique, évidemment. Mais ce qui est intéressant c’est que la naissance d’un nouveau couple a une influence sur l’organisation des sociétés. En effet, le mariage, ou l’union, s’imbrique dans un réseau d’alliances. Quand j’épouse Jules, je m’allie aussi à la famille de Jules. Si un conflit impliquant la famille de Jules survient, ma famille sera un soutien pour celle de Jules.

Le mariage créateur de société

« Dès lors que l’on reconnait que le mariage unit des groupes plutôt que des individus », on peut éclairer beaucoup de coutumes note Claude Lévi-Strauss. Le mariage est une forme d’union reconnue par la société, par exemple aujourd’hui il n’a de valeur que s’il est validé par l’Etat. C’est aussi un acte fondateur de société via le lien qui se crée entre les groupes familiaux d’origine. Cette union entre deux êtres issus de familles différentes est aussi ce qui permet d’éviter l’endogamie et de créer le lien social. Cette mixité crée la société.

famille conjugale
© Jeremy Wong

En Nouvelle Guinée, on dit que « le mariage a moins pour but de se procurer une épouse que d’obtenir des beaux-frères », je vous laisse méditer là-dessus quand vous rechignerez à l’idée d’aller dans sa famille. Dites-vous que par votre union et votre famille conjugale vous faites acte de société et participez à son renouvellement !

Le regard éloigné, Claude Lévi-Strauss, Plon, 1983. Chapitre 3 : famille, mariage, parenté.