La vie devant soi

Chronique d’un roman : La vie devant soi de Romain Gary

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Ces derniers temps, j’avais envie de classiques. En faisant le tour de ma bibliothèque, j’ai retrouvé La vie devant soi. Ce roman fait partie des quatre que Romain Gary a écrits sous le pseudonyme d’Emile Ajar. Ce n’est qu’à sa mort que ses deux identités ont été réunies ; ça c’est pour l’anecdote littéraire. Pour le reste c’est un de mes livres préférés.

Il me fait sourire autant qu’il m’émeut, il donne à penser et fait écho à tant de choses toujours d’actualité, même 40 ans après sa première publication.

La vie devant soi, c’est l’histoire de Momo

Momo c’est pour Mohammed, il n’a « pas honte d’être arabe au contraire mais Mohammed en France, ça fait balayeur », alors il préfère Momo, ça évite les insultes et les préjugés. Lui jongle avec les clichés, il est arabe et élevé par une Madame Rosa ancienne prostituée, juive rescapée des camps qui garde un portrait d’Hitler sous son lit.

Et Momo raconte : sa Madame Rosa et le Belleville des années 70. La ribambelle de gosses, eux aussi enfants de prostituées, qui vivent comme lui chez la « vieille juive ». La crainte d’être dénoncés et d’aller à l’ « Assistance ».

Le Belleville de Momo c’est aussi Monsieur Hamil, le marchand de tapis qui lui apprend le Coran et Victor Hugo ; c’est madame Lola, l’ancien boxeur sénégalais, devenue « travestite » au bois de Boulogne, ce sont les frères Zaoum, déménageurs, qui transportent Madame Rosa quand elle ne peut plus monter ni descendre les 6 étages.

La vie devant soi, c’est une leçon d’humanité

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Ce livre est raconté par un enfant de 10 ans, qui se rêve flic et « proxynète » mais plutôt pour les vieilles prostituées, celles dont on ne s’occupe plus et qui ont besoin d’être protégées.

Sous ce regard naïf, Romain Gary dénonce l’intolérance sous toutes ses formes. A travers les mots de Momo, des mots écorchés, des mots réinventés, des mots plein de sens aussi, il révèle encore plus l’absurdité de certaines situations. Quand Madame Lola, l’ex boxeur sénégalais prend le relais de Madame Rosa, il ne peut que constater qu’il n’a « jamais vu de Sénégalais qui aurait fait une meilleure mère de famille que Madame Lola » et que c’est bien triste que la nature ne le lui permette pas.

Momo ne juge jamais, il raconte. C’est ce regard d’enfant que je souhaite à beaucoup, celui qui ne fait que constater. Qui, décidant de voir le bien ne voit que le meilleur, même quand c’est dur, même quand c’est triste.

La vie devant soi, c’est une histoire d’amour

Momo reprend souvent les mots de Monsieur Hamil, il en appelle notamment à sa « vieille expérience ». Et oui, Momo a déjà 10 ans ! Pourtant, même s’il joue les durs et grandit d’un coup, il s’émerveille encore devant les vitrines de Noël dans les grands magasins.

Il a déjà 10 ans et il n’a que 10 ans, peut-être 14 qui sait ? Mais Madame Rosa, elle vieillit, elle fatigue et elle perd la tête. Alors Momo s’occupe d’elle, il ne veut pas la lâcher et il essaie d’assumer quand Madame Rosa s’évade d’elle-même et tombe dans un état « d’habitude ». Parfois il craque, parfois il pleure, parfois même il rêve d’une autre vie. Oui, mais c’est juste du rêve car il sait qu’il ne laissera pas Madame Rosa. « On ne peut pas vivre sans quelqu’un à aimer » et Momo a trouvé sa personne, jusqu’au bout.

Bref, si vous cherchez un cadeau de Noël, offrez-le les yeux fermés. On ne peut que devenir meilleur en lisant ce livre.

Quand François Morel envisage la fin du monde

Il est une chose que je ne vous ai pas encore avouée, c’est mon amour inconditionnel pour François Morel. Mon amour pour ses mots, pour son talent d’acteur, pour son humour si teinté de poésie !

Je pourrais vous parler de lui pendant des heures, et je vous reparlerai de lui soyez-en sûr-e-s 🙂 Ne serait-ce que pour vous décrire ce bijou qu’est le spectacle Hyacinthe et Rose !

Ce soir, c’est La fin du monde est pour dimanche qui m’occupe. Le principe? La vie c’est comme une semaine, quand on naît, on est lundi et quand on disparaît c’est qu’on était déjà dimanche. La question que se pose alors François Morel est la suivante : « Si la fin du monde est pour dimanche, à quel jour finit l’enfance, à quel jour commence l’âge adulte ? » et où en sommes-nous de notre propre semaine?

Cela peut paraître absurde ou seulement drôle, mais à bien y réfléchir il y a tant de sens à envisager la vie comme une semaine. Est-ce que nous situons tous le mercredi au même moment ? Sur quel jour de cette semaine qu’est la vie, souhaiterions-nous mettre pause ou au contraire avance rapide ? Est-ce qu’on est triste quand arrive le dimanche, ou est-ce qu’on l’envisage comme un nouveau lundi ?

Vous voyez, c’est ça que j’aime chez cet auteur, au début il nous fait sourire, puis vient toujours le moment où se demande s’il n’aurait pas raison. A la fin, on a l’impression d’avoir élargi notre horizon de pensée et on se plaît à reprendre ses mots ou ses idées.

Mais La fin du monde est pour dimanche, ce n’est pas seulement une réflexion sur le cours de la semaine-vie, c’est aussi toute une pensée de ce qu’est la vie. A travers le procès du bonheur ou l’histoire d’un amour si fort avec une huître (et oui !), ou encore la vie de Janine si semblable à celle de Sheila, mais ce sont aussi les confessions d’un comédien, un échange de regards dans le métro ou une chanson qui vous trotte dans la tête.

Cette liste est non exhaustive, elle ne tend qu’à vous donner envie de le voir et de le lire ! Allez-y et dites-moi ! J’espère que vous serez aussi séduit-e-s que moi 🙂

François Morel, La fin du monde est pour dimanche, Les solitaires intempestifs, 2013