Discours sur l’amour
Parlons aujourd’hui de mythes sur l’origine de l’amour et commençons par un classique: le mythe des androgynes.
Ce mythe est tiré du Banquet de Platon, texte qui regorge d’autres odes à l’amour et à ses origines. Mais faisons ici une halte sur le mythe raconté par Aristophane. Pour vous situer rapidement le contexte, Le banquet retrace les échanges partagés lors d’une soirée réunissant plusieurs hommes : médecin, poète, aspirant politique, philosophe, etc. Tous, fatigués de leur soirée de la veille, décident de pas s’enivrer ce soir-là mais de prononcer chacun leur tour un discours portant sur l’amour.
Quelle origine pour l’amour ?
C’est donc Aristophane, le poète, qui raconte le mythe des androgynes. A l’origine, selon lui, les humains ne ressemblaient pas à ceux que nous connaissons aujourd’hui. Ils avaient l’apparence d’une boule et possédaient quatre jambes, quatre bras, deux têtes, etc. Pour se déplacer ils avançaient de concert, ou alors faisaient comme une roue devenant ainsi très rapides. Chaque individu était composé de deux éléments, tous deux masculins, féminins, ou d’un élément masculin et d’un élément féminin. Ce sont ces derniers qu’on appelait les androgynes.
La constitution des êtres humains leur conférait une vigueur et une force incroyables. Très orgueilleux, ils défièrent les dieux et tentèrent d’accéder à l’Olympe. Les dieux étaient très en colère mais ils ne voulurent pas exterminer les hommes : cela aurait été se priver des honneurs et des dons offerts dans le cadre du culte. Les dieux décidèrent donc d’affaiblir les hommes en les coupant en deux, par le milieu. C’est depuis cette punition que nous avons l’apparence que nous connaissons tous. La coupure imposée par les dieux provoqua de grandes douleurs et, «chaque morceau (de l’être humain), regrettant sa moitié tentait de s’unir à elle. Et, passant, leurs bras autour de l’autre, ils s’enlaçaient mutuellement, parce qu’ils désiraient se confondre en un même être».
C’est de cette coupure originelle que date la naissance de l’amour dans le cœur des humains, car depuis chacun cherche sans cesse sa moitié complémentaire. C’est ce qui explique aussi les préférences sexuelles, un homme faisant partie d’un individu androgyne préférera les femmes, un homme faisant partie d’un individu masculin se tournera vers les hommes, de même une femme issue d’un individu féminin trouvera sa moitié complémentaire en une autre femme.
L’amour comme une nature retrouvée
Ainsi «chaque fois que le hasard met sur le chemin de chacun la partie qui est la moitié de lui-même, tout être humain (…) est alors frappé par un extraordinaire sentiment d’affection, d’apparentement et d’amour ; l’un et l’autre refusent (…) d’être séparés, ne fut-ce que pour un peu de temps». Aristophane ne doute pas du choix que feraient les couples si on leur proposait de les fondre ensemble afin qu’ils vivent «l’un avec l’autre une vie en commun comme s’(ils n’étaient) qu’un seul être». Ce choix n’étant pas possible techniquement, la source du bonheur conclut Aristophane est dans le retour à notre nature ancienne : en trouvant l’aimé(e) qui corresponde à sa moitié complémentaire.
Et si finalement votre mariage ou votre pacs étaient la révélation de votre nature originelle ? Un peu comme si, l’acte d’engagement pris devant la loi et les proches, venait reconnaître un état originellement présent. Je ne vous cache pas que cette lecture est un peu remise en cause par Lacan, mais accordons-nous un peu de romantisme. On reviendra plus tard à la déconstruction de ce mythe dans Le transfert.
Et vous qu’en pensez-vous ?
Platon, Le banquet, GF Flammarion, 2007