Mon sujet de bac de philo !
Le bac de philo, c’était il y a pile une semaine ! Chaque année, en bonne ancienne philosophe, j’aime jeter un œil aux sujets et prendre le temps d’y réfléchir quelques minutes. La semaine dernière, les lycéens ont planché sur les questions du bonheur et de la paix et ça m’a donné envie de créer mon propre sujet autour d’un thème qui m’est cher : le mariage. Ni une, ni deux, j’ai appelé ma copine Gwen, brillante prof de philo et on a identifié quelques pistes avant que je me lance dans l’exercice de la dissertation. Cela ne vaut pas une copie de bac, ce serait trop long à lire mais j’ai repéré trois axes de réflexion, comme trois parties pour répondre à la question suivante :
Le mariage est-il un contrat ?
Aujourd’hui, la saison des mariages explose ! À voir tant de visages heureux, de regards amoureux, de joie pure, on aurait d’abord envie de répondre simplement non à la question : le mariage est-il un contrat ? Le mariage est aujourd’hui d’abord entendu comme une fête, une célébration de l’amour de deux personnes et de leur volonté d’unir leurs deux destins. C’est très vrai, c’est très beau aussi mais cela n’a pas toujours été le cas. En effet, historiquement le mariage a très peu à voir avec l’amour et beaucoup à voir avec un contrat unissant deux familles, deux patrimoines (financiers, mobiliers) et leurs arrangements à travers l’union de deux êtres. Le mariage de Louis XVI et Marie-Antoinette avait, par exemple, très peu du mariage d’amour, il me semble !
Si cette question de l’amour ne se pose plus aujourd’hui, on ne peut pourtant nier quelques rémanences du mariage historique dans l’acte contemporain de se marier. Ainsi, même en 2023, pour être reconnu comme marié, un couple doit d’abord acter son engagement de manière légale. En ça le mariage est un contrat, au sens de convention entre deux personnes qui s’engagent et s’obligent mutuellement autour d’un projet commun.
Mais le mariage n’est-il qu’un un contrat ? L’essence du mariage, signalée par le verbe « être » dans le sujet, est-elle dans le contrat ou l’amour est-il premier ?
Pour répondre à cette question, en bonne philosophe :-), il convient d’établir la définition des termes « mariage » et « contrat ». Le sujet interroge « le » mariage non « un » mariage, laissant supposer une définition seule et unique de ce que serait le mariage. Il conviendra donc de s’interroger sur le type de mariage dont on parle, alors que le terme désigne à la fois l’acte de se marier, la fête du mariage et la durée de cet engagement à deux. Si l’on assimile le mariage à un contrat, il semble qu’on se limite alors à deux acceptions du mot mariage, la fête en elle-même ne pouvant être considérée comme un contrat (même s’il entraine quelques contrats avec les prestataires en charge de la fête J).
Le mariage comme contrat légal
Si l’on exclut la fête du mariage, et qu’on garde une approche au plus près de la définition, le mariage peut être entendu comme un contrat qui stipule les engagements des parties autour d’un projet d’union et de vie commune. Il peut même être assorti d’un contrat de mariage, désignant l’attribution des biens personnels dans cette même vie commune. À la mairie, les textes lus et partagés avec l’assemblée sont des textes d’obligation et non de célébration, laissant supposer que le contrat légal et les engagements qu’il entraine (respect, fidélité, finances communes, éducation des enfants, vie commune) sont premiers.
À l’heure des mariages d’amour, une définition du mariage sous le seul aspect du contrat paraît bien restrictive. Si l’on demande à des couples de futurs mariés 2023 pourquoi ils se marient, peu répondront que c’est par essence pour s’engager à pourvoir aux charges du foyer (article 214 du code civil) ou pour vivre dans le même logement (article 215). Oui, le mariage signifie aujourd’hui bien plus qu’un simple contrat légal (qui n’en demeure pas moins le contrat premier) et, d’ailleurs, de nombreux couples se marient aussi religieusement ou à travers une cérémonie laïque, s’engageant alors symboliquement à bien plus que 4 articles du code civil.
Cet engagement symbolique peut-il être qualifié de contrat ?
Cela peut paraître contre intuitif car la notion de contrat porte en elle un imaginaire froid, mélange de rationalité et de rigueur notariale. Mais si l’on s’en tient à une définition ferme du terme contrat, le mariage en tant qu’engagement symbolique pris par deux personnes affirmant des valeurs communes et la volonté de les faire vivre ensemble au sein de leur foyer peut être assimilé à un contrat, un contrat moral, contrat symbolique, contrat amoureux également. Les couples ne se promettent-ils pas d’abord de s’aimer jusqu’à ce que la mort les sépare ?
Et c’est d’ailleurs ce qu’on célèbre à travers la fête de mariage et particulièrement lors d’une cérémonie laïque. On y révèle le sens que le couple attribue au mariage, sa définition personnelle et, à travers elle, ce que le couple intègre dans son contrat symbolique de mariage. Les engagements pris ont alors très peu à voir avec des engagements légaux, on se concentre plutôt sur les valeurs profondes et personnelles du couple ainsi que sur les moyens choisis pour faire durer le bonheur et l’amour au sein du couple uni par le mariage. On parle ainsi communication, écoute, attention à l’autre, soutien, amour inconditionnel, fidélité à ses valeurs, importance de la famille et des proches, etc.
Dans la célébration du mariage d’amour, ce qui est intéressant c’est qu’on s’interroge aussi sur la manière dont l’engagement amoureux peut se révéler concrètement. On retrouve alors une partie de la définition de contrat, au sens où il engage les parties et stipule les obligations de ces dernières ainsi que les options à disposition pour réaliser le contrat. Mais peut-on contractualiser l’amour ?
Le mariage, un contrat amoureux ?
Peut-on poser des conditions rationnelles et concrètes au sentiment amoureux ?
J’ai d’abord envie de dire non, il y a une forme d’impalpable dans l’amour et on ne peut pas s’obliger à aimer. Qui peut imposer les fameux « papillons dans le ventre ? ». Certes, l’obligation, contrairement à la contrainte engage des parties libres entre elles, mais l’obligation d’aimer ne deviendrait-elle pas contrainte ?
Au-delà d’une obligation à aimer, le mariage peut plutôt être envisagé comme une obligation mutuelle à poser et entretenir le cadre de l’amour. On va alors bien plus loin que le simple acte du mariage, entendu comme contrat dans ce qu’il a de ponctuel au moment de la signature, pour réfléchir au temps long, comme dans la signification anglaise « marriage » par exemple. En se mariant, on pose les bases de la vie maritale, on s’engage l’un.e et l’autre autour des valeurs personnelles, autour de l’association unique de ces deux êtres uniques.
Ainsi, une préparation au mariage, à travers la création d’une cérémonie religieuse ou laïque est l’occasion d’interroger le temps long amoureux de ce couple-là, dans son avant et son après la fête de mariage (le « wedding » anglais). Envisager le mariage comme « marriage » pousse à réfléchir et ancrer le mariage, à s’intéresser à ce que certains thérapeutes de couples appellent le « contrat de couple », cet innommé qui sous-tend les règles de fonctionnement d’un duo amoureux. Pour certains c’est la fidélité, pour d’autre l’écoute et le soutien, d’autres encore poseront comme premier le fait d’être une équipe. En prendre conscience et le verbaliser permet d’identifier les bases de son couple, ses forces comme ses fragilités pour construire une relation, et donc un futur, solide ensemble.
Le mariage devient alors ce mariage, celui qui unit ces deux personnes-là dans un contrat de couple unique, contrat qui pré-existe au contrat légal, notarial ou symbolique du couple et qui nourrit la teneur de ces différents contrats. Et l’amour pré-existe toujours au contrat ! C’est d’abord de l’amour, c’est toujours de l’amour !