Ce qui dépend de nous…

…et ce qui n’en dépend pas

© Julien Labrosse

Un adage, tiré de la sagesse stoïcienne, guide ma vie depuis presque vingt ans : « il est des choses qui dépendent de nous, il en est qui n’en dépendent pas. » La sérénité dépend de notre capacité à distinguer les deux.

Et en 2020, comme tout le monde, j’ai pris de plein fouet une tempête qui ne dépendait pas de moi . J’ai nommé ce cher Covid ! Les conséquences ont été multiples et assez conséquentes pour mon activité : deux tiers de mes cérémonies ont été décalées à 2021. Quasi KO par uppercut pour une officiante à plein temps. Et pourtant, malgré le marasme engendré, je ne pouvais que comprendre le choix de mes clients.

Décider d’une ellipse

La seule certitude de l’incertain tient dans la conviction que les choses risquent de bouger. Il me semblait donc compliqué de préparer les cérémonies comme si une année de plus n’allait rien changer. Alors, très vite, j’ai proposé une pause aux couples qui ont choisi de reporter.

Une fois la nouvelle date validée, on s’est donc donné rendez-vous début janvier 2021. D’ici là, on s’autorisait une ellipse et je laissais mes héros suivre le cours de leur vie sans moi et moi sans eux. Certains de mes couples en ont profité pour agrandir leur famille et deux bébés sont annoncés pour 2021 ! Il y a aussi eu des déménagements, des réaménagements d’appartements, et malheureusement des choses plus tristes et graves. La vie.

Une ellipse tumultueuse aussi

Après une ellipse de littérature, on résume le temps passé en quelques mots et événements. Et hop, peut repartir sur le récit ! Mon ellipse à moi a démarré dans le stress et l’effervescence ; difficile de la résumer tant je tanguais entre mille sujets. Il me fallait garder le sourire, rassurer mes client.e.s, proposer des solutions. Tout cela en voyant ma saison s’effondrer. Alors, je cherchais des idées et des projets. Je voulais dépasser la crise, trouver une manière de sortir grandie du marasme. Cela faisait beaucoup d’impératifs pour une situation parfaitement inconnue et imprévisible, je l’avoue.

Alors après quelques mois de bataille, j’ai compris que j’avais, moi aussi, besoin de cette parenthèse que je conseillais à tout le monde. Lorsque ça tangue, ma meilleure option est toujours le pas de côté. Il me permet de remettre au centre mon adage stoïcien pour séparer ce qui dépend de moi et ce qui n’en dépend pas. Et vraiment, en 2020 nombre de choses ne dépendaient pas de moi !

Ou plutôt ouvrir une parenthèse

© Max Van den Oetelaar

Face à ce constat, j’ai enfin décidé d’appuyer sur pause. Pour sortir du tourbillon, m’extraire de l’incertain et me concentrer sur ce qui me faisait du bien. J’ai choisi de tourner mon regard vers le positif dans cette année de quasi ellipse professionnelle. Un peu par déni, un peu par survie, beaucoup par envie. Et l’ellipse est devenue parenthèse, une parenthèse qui se remplit.

J’ai décidé d’agir pleinement sur ce qui dépendait de moi, me délestant de ce qui n’en dépendait pas. Je me suis rattachée au concret et particulièrement à ma maison en Bourgogne : ce projet devenu réalité en mai dernier. Alors, j’ai pris le temps de savourer cet accomplissement. J’ai aussi beaucoup pensé, marché, écouté des podcasts, lu, réfléchi le monde avec mes proches, et, parfois même, j’ai réussi à ne rien faire. C’est un luxe.

Dans cette parenthèse, j’ai également vécu quatre bulles de bonheur professionnel, comme des respirations ; des parenthèses dans la parenthèse. Ces quatre cérémonies maintenues en 2020 avaient, toutes, une saveur particulière, intense, exceptionnelle. Elles ont confirmé la beauté simple et nécessaire de ces moments de vie où l’on se rassemble, pour partager ensemble et créer des souvenirs. Franchement, ça m’avait manqué ! Après, chaque cérémonie, je rentrais chez moi regonflée à bloc et convaincue de faire le bon métier !

2021 : fin de la parenthèse ?

Les parenthèses ne sont jamais une clôture. Au contraire. Elles ouvrent les possibles, elles ouvrent parfois même une nouvelle parenthèse. L’ellipse accélère le temps, passe des événements sous silence. La parenthèse, elle, enrichit le propos et lui apporte de la nuance. Grâce à elle, on va plus loin, on gagne en profondeur.

Ma parenthèse 2020 m’a permis de savoir au plus profond de moi que je suis au bon endroit, alignée avec ma vie et mes envies. Elle a confirmé l’amour que j’ai pour mon métier, sa créativité et les rencontres qui en découlent. Elle a aussi validé mon nouvel ancrage et le choix heureux de revenir à la vie bourguignonne. Et une chose est sûre, elle a renforcé ma conviction qu’une fois concentrée sur ce qui dépend de moi, je trouve toujours ce qui me permettra d’avancer et d’y trouver un biais intéressant.

Alors avançons ! Et pour 2021, je n’ai aucune réponse. Après à peine un mois mais, au vu des dernières infos, l’année risque déjà d’être assez mouvementée. Elle nous apportera certainement son lot d’incertitudes et de changements de dernière minute, mais avec 2020 on a posé les bases. A nous d’économiser nos forces sur ce qui ne dépend pas de nous pour agir pleinement sur ce qui nous appartient ! Et s’il faut ouvrir d’autres parenthèses, on saura déjà comment faire 🙂

NB : pour inspirer vos prochaines parenthèses 🙂

  • Franck Ferrand raconte sur Radio Classique, de Franck Ferrand donc, j’adore son ton enthousiaste et un peu suranné aussi.
  • Au coeur de l’histoire de Jean des Cars sur Europe 1. J’ai dévoré les épisodes sur les deux Elisabeth d’Angleterre
  • Réflexions autour de l’idée d’otium (le loisir fécond et désintéressé), par exemple dans cette interview très intéressante sur l’idée d’otium, ).
  • Les pensées pour moi-même de Marc Aurèle, où l’on retrouve notamment cet adage : « Que la force me soit donnée de supporter ce qui ne peut être changé et le courage de changer ce qui peut l’être mais aussi la sagesse de distinguer l’un de l’autre. 
  • Entre parenthèses de Clotilde Lhotte, un premier roman tout à fait dans l’esprit de cet article !