Les bouffées de bonheur

Ou les confidences d’une ravie de la crèche !

Les bouffées de bonheur – version audio

Ça m’arrive tout le temps. Enfin tout le temps, disons que ça m’arrive souvent. Sans le voir venir, sans y penser vraiment, je sens une vague de bonheur qui m’aspire, un truc plus fort que moi et je m’entends dire à voix haute « je suis si heureuse ! ». Comme si le constat devait être verbalisé, comme si le ressenti était tellement intense qu’il ne devait pas rester juste interne.

Entre nous, dans ces moments-là, je déborde de joie et, en même temps, je me sens un peu honteuse. En fait, je me juge. J’ai l’impression d’être une princesse Disney qui vit dans un royaume doré et s’abstrait de la misère autour. Du coup, ça me semble futile d’être si heureuse alors que le monde va mal (merci la crise climatique, le chaos politique et géopolitique). En plus, souvent, ce bonheur fulgurant nait de micro joies : un joli texto reçu, la dégustation d’un plat savoureux, la simple conscience de la présence de mes proches dans ma vie, un ciel flamboyant en début ou en fin de journée. Je pensais être la seule à ressentir ça, à être de ces « ravies de la crèche » qui se réjouissent bien trop fort de pas grand-chose.

Et ce matin, alors qu’on discutait gaiement de la fin du monde et du nombre énorme de gens malheureux autour de nous, j’ai laissé échapper cette phrase : « Franchement, j’ai passé une année compliquée mais, fondamentalement, je suis profondément heureuse. J’ai même régulièrement des petits pics de bonheur qui me saisissent au débotté ».

Avec eux, je suis en confiance, ils étaient aux premières loges de cette année houleuse pour moi et ils me connaissent assez bien pour me dire ou non si je suis bizarre à proclamer ce bonheur qui m’envahit. Je ne sais pas ce que j’attendais comme réaction, mais au fond, je crois que j’avais peur qu’ils rient. Et j’ai adoré leur réponse.

Aucun d’eux ne s’est moqué de moi et de mes joies de miss France, au contraire, l’un et l’autre m’ont dit « ben pareil ! ça me le fait aussi régulièrement ! ». Lui s’est mis à évoquer les fins de journée, pleines de satisfaction du travail accompli et d’enthousiasme pour les futurs projets. Elle nous a partagé sa dernière bouffée de bonheur, pile 30 minutes plus tôt.

Et nous voilà, les trois comparses, emplis de doutes sur plein de sujets, perclus d’interrogations et de colère face au barouf politique du moment, et pourtant, en train de nous réjouir pleinement de nos vies de gens heureux. C’était génial et ça m’a fait du bien de sentir que je n’étais pas la seule « ravie de la crèche »* du groupe.

Je ne sais pas combien de temps ça va durer, mais ça fait quand même quelques années que je me surprends à savourer la vie. Ça ne veut pas dire que tout va toujours bien, loin de là mais ce qui prédomine, c’est cette conscience accrue d’être heureuse. C’est bien plus que la somme des mille petites joies du quotidien, c’est vraiment un état plus profond, un truc impalpable et serein qui dit « ouais, là, ça va bien ». Franchement, je me juge toujours de penser ça en me disant que plein de gens auraient envie de me mettre des claques en m’entendant ou en me lisant. Mais, ces bouffées de bonheur, je les souhaite vraiment à tout le monde !

*Oui, ça fait deux fois « ravie de la crèche » dans ce court texte, mais j’adore cette expression ! En plus, je viens de découvrir son origine et c’est parfaitement de saison avec Noël qui approche 😉